C’est au cours de la deuxième moitié des années 70, en réponse au premier choc pétrolier que fut adopté le projet de favoriser le développement d’équipes et de laboratoires ayant pour vocation de travailler sur l’utilisation de l’énergie solaire. Dans ce but, le contexte politique étant par ailleurs favorable à la déconcentration de la recherche publique parisienne vers la province, le CNRS, avec le concours de la région, a choisi d’implanter de nouveaux moyens sur le site du Parc International d’Activité de Sophia-Antipolis.

Cependant, la crise pétrolière s’étant éloignée, le solaire cesse d’être une priorité dans les années 90. En outre, les cellules tandem à base de GaAs ne répondent pas aux besoins terrestres car trop coûteuses, et le marché spatial reste assez limité. Le CNRS réoriente donc son activité vers le milieu des années 90 et le laboratoire se lance dans l’exploration des nouveaux matériaux semi-conducteurs, dits à large bande interdite. Alors que GaAs à une bande interdite de 1.4 eV correspondant à l’infrarouge proche et bien adaptée au solaire et aux télécommunications, d’autres matériaux comme GaN, ZnSe et SiC ont des bandes interdites de 3-3.5 eV, bien adaptées pour l’émission dans le proche UV et le visible, et pour des transistors de forte puissance. Le laboratoire en profite pour changer de nom en 1992 et devient le CRHEA, Centre de Recherches sur l’HétéroEpitaxie et ses Applications. Derrière ce changement de thématique, le laboratoire conserve son expertise de base, qui est l’épitaxie, c’est-à-dire la croissance cristalline de couches minces sur un substrat, le plus souvent de nature différente des couches, d’où l’appellation HétéroEpitaxie.

Cette nouvelle thématique s’avère un succès, en particulier les matériaux nitrures d’éléments III, c’est à dire GaN, AlN, InN et les alliages AlGaInN. En effet, ce sont ces matériaux qui constituent les diodes électroluminescentes bleues, vertes et blanches qui ont conduit à la révolution de l’éclairage que nous connaissons tous aujourd’hui, avec des lampes qui sont presque 10 fois plus efficaces que les anciennes ampoules à incandescence. Mais ces matériaux ont aussi fait leur chemin dans le domaine des détecteurs ultra-violets et commencent à percer dans le domaine de l’électronique de puissance, prochaine révolution énergétique. Le CRHEA a créé en 2001 la société Lumilog, rachetée depuis Saint-Gobain, pour fabriquer et commercialiser des substrats de GaN. La croissance du SiC, quant à elle, est, en partie, devenue une activité industrielle transférée à la société NOVASIC installée au CRHEA. Les semiconducteurs II-VI ont été assez vite abandonnés devant la réussite des nitrures dans le monde entier, et le CRHEA a suivi ce même chemin au début des années 2000 et a remplacé leur étude par celle des matériaux oxydes ZnO et ZnMgO. Ces matériaux, dont les propriétés physiques sont proches de celles des nitrures, ont quelques spécificités actuellement explorées dans le domaine de l’émission TeraHetrz. Les projets actuels du CRHEA montrent une certain évolution vers des sujets comme les méta-surfaces (structuration à une échelle sous longueur d ‘onde des surfaces pour des fins optiques), la biophysique (avec une start-up KLEARIA installée au CRHEA pour développer la micro-fluidique pour, entre autres, l’analyse de l’eau, avec une activité nano-fils pour la biologie) ou encore une activité « cristaux liquides » hébergée au CRHEA. Ces applications nouvelles des semi-conducteurs demandent des développements nouveaux au niveau de l’épitaxie et justifie la place du CRHEA au niveau national. C’est dans ce contexte que le CRHEA coordonne le groupement national labex « GaNeX » et occupe une place centrale en France sur le domaine de l’épitaxie des nitrures. Au-delà des changements de thématiques, de nom ou de directeurs de laboratoire, le CRHEA conserve son identité essentielle qui est l’expertise en épitaxie.

Façade du bâtiment C du CRHEA
Le CRHEA (alors baptisé LPSES) en 1983 peu après sa construction